Introduction
Le marché locatif français fait face à de fortes tensions dans les zones touristiques, en grande partie à cause de l’essor des locations saisonnières de type Airbnb. De nombreux logements initialement destinés aux habitants sont détournés vers la location touristique de courte durée, ce qui accentue la pénurie de logements disponibles à l’année. Pour remédier à ce déséquilibre, le Parlement a adopté une nouvelle législation en 2024, connue sous le nom de loi Le Meur(du nom de la députée à l’initiative du texte). Publiée au Journal officiel le 20 novembre 2024, cette loi vise à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme afin de protéger le logement résidentiel permanent
anil.org. Concrètement, il s’agit d’un texte « anti-Airbnb » qui impose un cadre plus strict aux propriétaires louant en courte durée.
Dans cet article, nous proposons un décryptage de la loi Le Meur et de ses principales mesures. Nous verrons quels changements ce nouveau cadre réglementaire implique pour les propriétaires (que ce soit pour une résidence principale ou secondaire), puis nous donnerons des conseils pratiques pour se conformer à la loi et éviter les sanctions.
Points clés de la loi Le Meur
La loi Le Meur du 19 novembre 2024 introduit plusieurs mesures phares pour encadrer les locations saisonnières. Voici les principaux points à retenir :
- Déclaration obligatoire de tous les meublés touristiques : La loi généralise l’obligation de déclaration en mairie (via un téléservice national) pour toutes les locations de meublés de tourisme, y compris celles de résidences principales. Avant le 20 mai 2026, chaque propriétaire devra avoir enregistré son logement sur le registre national dédié, en fournissant des informations justificatives. En particulier, s’il s’agit de votre résidence principale, vous devrez apporter la preuve de ce statut (par exemple en fournissant une copie de votre avis d’imposition mentionnant l’adresse du meublé)service-public.franil.org. Une fois la télédéclaration effectuée, un numéro d’enregistrement sera délivré et devra être affiché sur vos annonces en ligne. Cette mesure permet aux communes et à l’État d’avoir une visibilité sur l’ensemble des locations saisonnières en activité.
- Autorisation de changement d’usage et quotas locaux : Dans de nombreuses villes (notamment en « zones tendues »), louer un logement entier qui n’est pas sa résidence principale nécessite déjà une autorisation de changement d’usage (délivrée par la mairie) pour transformer ce logement en meublé touristique. La loi Le Meur renforce ce dispositif en offrant aux communes de nouveaux pouvoirs. Elles peuvent désormais fixer des quotas d’autorisations de meublés de tourisme par secteur afin de limiter le nombre de locations saisonnières et préserver l’habitat résidentielservice-public.fr. Par ailleurs, les mairies pourront délimiter des zones où seules les résidences principales pourront être louées, excluant les meublés touristiques permanents dans ces secteurs137notaires.com. Autrement dit, via le plan local d’urbanisme (PLU), une commune touristique pourra réserver certains quartiers à l’habitation « classique » pour éviter la prolifération d’Airbnb. En outre, la loi permet d’étendre les obligations de changement d’usage à d’autres types de locaux : une commune qui régule les meublés touristiques pourra exiger une autorisation même pour transformer un local commercial ou un bureau en hébergement touristique, afin de fermer les anciennes failles juridiques.
- Limitation de la durée de location des résidences principales : La durée maximale de location d’une résidence principale via Airbnb (ou plateforme équivalente) était jusqu’ici de 120 jours par an. Avec la loi Le Meur, les communes ont la faculté de rabaisser ce plafond à 90 jours par an à partir de 2025service-public.fr. Ainsi, dans les villes qui adopteront cette limitation, un propriétaire occupant ne pourra louer son logement au-delà de 90 nuitées cumulées par année civile. Cette mesure vise à éviter que des résidences principales ne se transforment de fait en locations touristiques quasi permanentes. En cas de dépassement du seuil autorisé dans une commune, le propriétaire s’expose à une amende civile pouvant atteindre 15 000 €service-public.fr. Il est donc essentiel de bien surveiller le nombre de nuits louées pour rester dans les clous.
- Obligations énergétiques (DPE obligatoire) : Un autre apport majeur de la loi Le Meur est l’extension aux meublés de tourisme des exigences de performance énergétique des logements. Jusqu’à présent, les locations saisonnières échappaient aux contraintes des passoires thermiques puisqu’elles n’étaient pas soumises au critère de décence énergétique réservé aux baux de résidence principale. Désormais, la loi soumet les meublés de tourisme au Diagnostic de performance énergétique (DPE) obligatoire et impose un niveau de performance minimal. Concrètement, tout nouveau logement mis en location saisonnière dans une zone tendue (et soumis à autorisation de changement d’usage) doit présenter un DPE d’au moins catégorie E dès l’entrée en vigueur de la loiservice-public.fr. Les exigences vont se durcir dans les années à venir : à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2028, il faudra un DPE classé au minimum D, et à compter du 1<sup>er</sup> janvier 2034, tous les meublés de tourisme, existants comme nouveaux, devront atteindre un DPE entre A et D (les classes énergétiques E, F ou G ne seront plus acceptées)137notaires.comeconomie.gouv.fr. Cette montée en gamme progressive laisse aux propriétaires le temps de faire des travaux de rénovation énergétique pour se mettre en conformité. À noter qu’à compter de 2034, les maires pourront exiger la présentation du DPE valide du meublé de tourisme, et le défaut de transmission sera sanctionné par une astreinte de 100 € par jour de retardservice-public.fr. Louer un logement classé en dessous du seuil autorisé (par exemple une « passoire thermique » F ou G après les dates limites) pourra entraîner une amende administrative allant jusqu’à 5 000 €service-public.fr. L’objectif affiché est double : aligner progressivement les locations touristiques sur les normes des locations classiques, et éliminer du parc locatif touristique les logements les plus énergivores ou indécents.
- Fiscalité moins avantageuse : La loi Le Meur s’accompagne d’une réforme de la fiscalité des locations meublées touristiques, afin de réduire l’avantage dont bénéficiaient ces locations par rapport au marché locatif traditionnel. Le régime du micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) offrait jusqu’en 2023 un abattement forfaitaire de 71 % sur les revenus tirés d’une location saisonnière classée (50 % pour une location non classée), ce qui signifiait que seule une petite fraction des loyers était imposée. Désormais, pour les revenus perçus à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2025, l’abattement fiscal est abaissé à 50 % pour les meublés de tourisme classés (dans la limite de 77 700 € de revenus annuels) et 30 % pour les meublés non classés (dans la limite de 15 000 € de revenus)service-public.fr. Au-delà de ces plafonds de chiffre d’affaires, le régime réel d’imposition s’applique. En pratique, cela signifie que les bailleurs en courte durée verront leur base imposable augmenter sensiblement. Cette réduction de la niche fiscale vise à atténuer l’attrait purement financier de la location touristique intensive et à rééquilibrer la concurrence avec la location longue durée.
- Sanctions renforcées : Pour assurer le respect de ce nouveau cadre réglementaire, la loi Le Meur alourdit l’arsenal des sanctions à l’encontre des contrevenants. Nous avons déjà mentionné l’amende civile de 15 000 € en cas de dépassement du nombre de jours autorisés et les sanctions liées au DPE (100 €/jour et 5 000 € max). S’y ajoutent deux nouvelles amendes administratives créées par la loi : jusqu’à 10 000 € en cas de défaut d’enregistrement du meublé de tourisme (si le propriétaire ne procède pas à la déclaration obligatoire), et jusqu’à 20 000 € en cas de fausse déclaration ou d’utilisation d’un faux numéro d’enregistrementservice-public.fr. Autrement dit, si vous ne déclarez pas votre logement ou si vous trichez sur la déclaration, la mairie pourra vous infliger une lourde pénalité financière. Par ailleurs, les plateformes de location et intermédiaires (agences, conciergeries) sont également mis à contribution : la loi leur impose de vérifier la présence d’un numéro d’enregistrement valide et de veiller au respect du quota de nuitées, sous peine de sanctions (des amendes allant jusqu’à 50 000 € ou plus pourraient être prononcées en cas de manquement grave, ce qui incite fortement les plateformes à coopérer avec les autorités locales). Enfin, dernier point à signaler, la loi facilite l’action en justice des communes (comme Paris) contre les bailleurs hors-la-loi, en simplifiant la charge de la preuve lors des procédures d’assignation pour usage illégal de meublé touristique.
En résumé, la loi Le Meur impose un cadre beaucoup plus strict aux locations saisonnières : inscription obligatoire de tous les logements loués, limitation potentielle de la durée de location, exigences énergétiques rapprochées du droit commun, fiscalité moins favorable et amendes dissuasives en cas d’infraction. Les propriétaires de meublés touristiques doivent donc intégrer ces nouvelles règles et adapter leur activité en conséquence dès 2025.
Impact pour les propriétaires : ce qui change concrètement
Quelles conséquences la loi Le Meur a-t-elle pour les propriétaires qui pratiquent la location saisonnière ? Les implications peuvent varier selon que vous louez votre résidence principale de temps en temps, ou que vous mettiez en location un logement secondaire (investissement locatif dédié au tourisme). Voici les principaux changements à anticiper pour chacun de ces cas de figure :
Pour les propriétaires louant leur résidence principale
Si vous louez occasionnellement votre logement principal sur Airbnb ou une plateforme similaire (par exemple pendant vos vacances ou certains week-ends), vous conservez le droit de le faire, mais sous conditions plus strictes :
- Enregistrement obligatoire du logement : Même les résidences principales utilisées en meublé de tourisme devront être déclarées via le téléservice national d’ici mai 2026 service-public.fr. Cela constitue une nouveauté, car auparavant les locations de la résidence principale n’étaient généralement pas soumises à enregistrement (sauf disposition locale spécifique). Vous devrez donc effectuer cette démarche administrative et obtenir votre numéro d’enregistrement. Par la même occasion, assurez-vous d’apporter la preuve que c’est bien votre domicile principal (pièce d’identité, justificatif de domicile ou avis d’imposition avec cette adresse). Cette formalité peut sembler contraignante, mais elle est indispensable pour être en règle.
- Durée de location possiblement réduite : Selon votre commune, la limite annuelle de 120 jours pour la location de la résidence principale pourrait passer à 90 jours service-public.fr. Renseignez-vous auprès de votre mairie pour savoir si elle a voté une réduction du plafond. Si oui, vous devrez adapter votre calendrier de locations pour ne pas dépasser les 90 nuitées autorisées par an. Par exemple, à Paris cette durée maximale pourrait être abaissée si les autorités locales utilisent ce nouveau levier. Gardez à l’esprit que le non-respect du plafond local vous expose à une sanction financière importante (jusqu’à 15 000 € d’amende civile). En pratique, il faudra planifier avec prudence : privilégiez les périodes où la location est la plus rentable et évitez de saupoudrer trop de nuits tout au long de l’année, afin de ne pas brûler votre quota trop vite.
- Obligation d’informer votre copropriété : Si votre résidence principale est en copropriété, la loi vous impose désormais d’informer le syndic de l’immeuble de votre activité de location saisonnière. À partir de 2025, tout copropriétaire qui se déclare en mairie comme loueur de meublé de tourisme doit en effet notifier le syndic de sa démarche service-public.fr. Cette transparence vise à mieux associer la copropriété et les autres résidents, et éventuellement à préparer un vote si l’assemblée souhaite interdire ce type de location dans l’immeuble (voir section copropriété ci-dessous). Pensez donc à envoyer un courrier ou un email à votre syndic dès que vous enregistrez votre logement en meublé de tourisme.
- Exigences énergétiques à horizon 2034 : Dans l’immédiat, la plupart des propriétaires qui louent leur résidence principale ne seront pas concernés par l’exigence du DPE minimal (car celle-ci s’applique surtout aux logements mis entièrement en meublé de tourisme et soumis à autorisation, donc plutôt aux résidences secondaires). Cependant, notez qu’à partir de 2034, tous les logements loués, y compris à titre de résidence principale, devront avoir un DPE de classe D ou mieux service-public.fr. Cela signifie que même pour continuer à louer occasionnellement votre résidence principale, vous devrez d’ici 10 ans vous assurer que votre habitation n’est pas une passoire thermique (classe E, F ou G interdites en location). Il peut être judicieux d’anticiper cette échéance en réalisant dès à présent un diagnostic de performance énergétique et en planifiant des travaux d’amélioration (isolation, chauffage plus performant, etc.) si nécessaire. Non seulement vous serez en conformité pour 2034, mais en plus vous ferez des économies d’énergie au quotidien.
- Moins d’avantages fiscaux : Si vous louez une partie de l’année votre résidence principale, vos revenus locatifs relevaient jusqu’en 2024 du régime micro-BIC avec un abattement de 71 % (si logement classé) ou 50 %. Dorénavant, l’abattement tombe à 50 % ou 30 %service-public.fr, ce qui va augmenter l’impôt sur vos revenus Airbnb. Concrètement, si vous gagnez par exemple 10 000 € de loyers bruts sur l’année avec un appartement non classé, vous étiez imposé sur seulement 5 000 € auparavant, mais à partir de 2025 vous le serez sur 7 000 €. Ce changement peut impacter la rentabilité nette de vos locations occasionnelles. Veillez donc à en tenir compte dans vos calculs. Si vos revenus locatifs sont substantiels, il pourrait être intéressant d’examiner l’option du régime réel d’imposition pour déduire vos charges (intérêts d’emprunt, travaux, etc.) — consultez un conseiller fiscal si besoin.
En somme, pour un propriétaire occupant, la loi Le Meur implique surtout des formalités supplémentaires (enregistrement du logement, information au syndic) et une vigilance accrue sur la durée de location autorisée. Le cœur de l’activité reste possible, mais dans un cadre plus encadré et avec une rentabilité fiscale un peu réduite.
Pour les propriétaires de résidences secondaires ou logements dédiés à la location touristique
Si vous possédez un bien immobilier que vous louez exclusivement en saisonnier (une résidence secondaire, un investissement locatif type Airbnb), la loi Le Meur a un impact encore plus significatif sur votre activité, car elle touche à plusieurs aspects fondamentaux :
- Autorisation de la mairie et quotas : Dans les grandes villes et zones tendues, vous deviez déjà obtenir une autorisation de changement d’usage pour louer un appartement en meublé touristique quand ce n’est pas votre résidence principale. Cette obligation demeure et sera même plus strictement contrôlée. Avec la nouvelle loi, la mairie peut désormais refuser des demandes d’autorisation si un quota maximum est atteint dans votre secteur service-public.fr. Par exemple, si votre commune a fixé un quota de 10% de logements pouvant être loués en tourisme dans un quartier et que ce seuil est atteint, une nouvelle demande peut être rejetée. Il sera donc plus difficile qu’avant de lancer une activité de location saisonnière dans certaines villes très prisées, surtout si le marché local est déjà saturé de meublés de tourisme. Renseignez-vous en amont sur la politique de votre ville : certaines communes côtières ou alpines commencent à mettre en place ce type de quotas pour préserver du logement accessible aux habitants à l’année.
- Enregistrement national obligatoire : Tout comme pour les résidences principales, vous devez déclarer votre meublé de tourisme via le téléservice national d’ici mai 2026 service-public.fr. Dans la pratique, beaucoup de propriétaires de locations saisonnières avaient déjà l’habitude de déclarer leur logement en mairie et d’afficher un numéro d’enregistrement (notamment dans les villes ayant instauré cette exigence). La différence est qu’à présent cette procédure est unifiée au niveau national et s’applique partout. Assurez-vous donc de vous mettre en règle, même si votre bien est situé dans une petite commune qui n’avait pas de téléservice auparavant. L’absence d’enregistrement pourra être directement sanctionnée par une amende (jusqu’à 10 000 €) comme indiqué plus haut. Mieux vaut donc effectuer la démarche dès que le portail en ligne sera opérationnel, puis reporter le numéro obtenu sur toutes vos annonces.
- Mise aux normes énergétiques : L’aspect DPE est probablement l’un des changements majeurs pour les propriétaires de locations touristiques dédiées. Si vous mettez sur le marché un nouveau logement en courte durée dans une zone où le changement d’usage est requis, vous devez d’ores et déjà vous conformer aux classes énergétiques minimales (pas de logement classé F ou G) service-public.fr. En clair, vous ne pouvez plus proposer en location saisonnière un appartement très énergivore dans ces zones sans l’avoir rénové pour atteindre au moins la classe E. Et cette contrainte va progressivement s’étendre à tous les meublés de tourisme existants d’ici 2034, comme expliqué précédemment. Pour un propriétaire, cela signifie qu’il va falloir investir dans la rénovation énergétique de votre bien sous peine de ne plus pouvoir le louer touristiquement à moyen terme. Isoler les combles ou les murs, changer les fenêtres, installer un chauffage plus performant… autant de travaux qu’il faudra planifier afin de passer en classe D minimum avant 2034. La loi Climat et Résilience de 2021 avait déjà enclenché ce processus pour les locations longue durée, c’est maintenant au tour des Airbnb d’entrer dans la boucle137notaires.com. Si votre logement touristique est une « passoire thermique », vous avez environ 10 ans pour la rénover – ce qui peut sembler long, mais les travaux lourds demandent du temps (et un budget). En attendant, pensez à réaliser rapidement un DPE pour connaître la classe actuelle de votre bien et les préconisations d’amélioration. D’autre part, sachez qu’à partir de 2034 les autorités locales pourront exiger de voir votre DPE et vous sanctionner si vous louez un logement non conforme service-public.fr. Autant anticiper ces obligations pour éviter de devoir interrompre brutalement votre activité de location dans le futur.
- Risque de restrictions en copropriété : Si votre meublé de tourisme se situe dans un immeuble en copropriété, prêtez une attention particulière à ce que dit le règlement de copropriété. La loi Le Meur facilite grandement la possibilité pour une copropriété d’interdire les locations de courte durée dans l’immeuble. Jusqu’à présent, pour modifier le règlement et prohiber cette activité, il fallait l’unanimité des copropriétaires, ce qui était très difficile à obtenir. Désormais, une majorité renforcée (majorité des deux tiers) suffira pour voter l’interdiction de louer les lots en meublé touristique 137notaires.com. De plus, tout nouveau règlement de copropriété (pour les immeubles construits ou réglementés après novembre 2024) devra explicitement mentionner s’il autorise ou non les meublés de tourisme137notaires.com. En clair, les immeubles récents pourront d’emblée intégrer une clause anti-Airbnb. En tant que propriétaire bailleur, vous devez donc être conscient que vos voisins ont maintenant les moyens de s’opposer à votre activité : s’ils estiment que les va-et-vient de touristes perturbent la résidence, ils pourraient convoquer une assemblée et voter l’interdiction. Il est souvent préférable de jouer la transparence et le dialogue avec les autres copropriétaires, en exposant votre démarche, en respectant le règlement intérieur (bruit, ascenseur, etc.), afin de minimiser les risques de conflit. Quoiqu’il en soit, la notification au syndic de votre activité (obligatoire depuis la loi) vous tient informé et officialise votre statut, mais elle peut aussi alerter la copropriété qui pourrait décider de passer au vote. Gardez ce point en tête si vous investissez dans un appartement en copropriété dans le but de le louer en saisonnier.
- Moins de rentabilité fiscale : Comme pour les résidences principales, la baisse de l’abattement fiscal à 50 % ou 30 % s’applique à vos revenus de location saisonnière dès 2025 service-public.fr. Si vous aviez l’habitude de ne presque pas payer d’impôts grâce au forfait de 71 %, le changement sera notable. Par exemple, un studio générant 20 000 € de revenus annuels (et classé meublé de tourisme) était imposé sur seulement 5 800 € de bénéfice taxable jusqu’en 2024 (après abattement 71 %). Désormais, il sera imposé sur 10 000 € (après abattement 50 %). L’augmentation de l’impôt dû peut réduire votre cash-flow net. Il faudra donc intégrer cette donnée dans vos calculs de rentabilité et éventuellement revoir votre stratégie : classer le logement pour bénéficier du 50 % plutôt que 30 %, ou bien opter pour le régime réel si vos charges déductibles sont élevées. L’idée du législateur est de gommer l’avantage fiscal qui poussait de nombreux investisseurs vers le saisonnier plutôt que la location nue traditionnelle. À vous de voir si la location touristique reste suffisamment profitable une fois la fiscalité durcie, ou s’il serait plus intéressant de se tourner vers de la location plus classique (bail mobilité, location longue durée) pour certains de vos biens.
- Menace des sanctions : Enfin, en tant que propriétaire de meublé touristique « pur » (résidence secondaire), vous êtes en première ligne des contrôles renforcés. Assurez-vous de respecter scrupuleusement les obligations : avoir obtenu l’autorisation de changement d’usage si nécessaire, avoir déclaré le logement et obtenu un numéro, ne pas dépasser les 90 jours si votre commune a fixé cette règle pour les résidences secondaires (certaines villes pourraient décider d’imposer une limite annuelle même aux non-résidences principales via des négociations locales, bien que le texte vise surtout les résidences principales pour la limite de 90 jours), etc. En cas de manquement, vous encourez des amendes significatives (5 000 €, 10 000 €, 20 000 € selon la nature du manquement, comme vu précédemment). Les communes disposent maintenant de moyens juridiques et financiers accrus pour faire respecter la loi – et certaines, comme Paris ou Bordeaux, ont déjà annoncé leur volonté de sévir contre les locations illégales. Mieux vaut donc prévenir que guérir en mettant votre situation en conformité le plus tôt possible.
En résumé, pour les propriétaires de résidences secondaires louées en saisonnier, la loi Le Meur apporte des contraintes nettement renforcées : il faudra naviguer avec des autorisations potentiellement plus difficiles à obtenir, investir dans la rénovation énergétique, et accepter une rentabilité un peu diminuée. Ces mesures peuvent inciter à repenser son investissement (par exemple en basculant vers de la location moyenne durée hors plateformes touristiques, ou en revendant un bien dans une zone trop réglementée). Cependant, avec une bonne anticipation et en s’informant localement, il est tout à fait possible de continuer à louer en courte durée de manière légale et sereine.
Conseils pratiques pour se conformer à la loi Le Meur
Face à ce nouveau cadre réglementaire, que devraient faire les propriétaires de locations saisonnières pour éviter les ennuis et adapter leur activité ? Voici quelques conseils pratiques pour vous aider à vous mettre en règle et à optimiser la gestion de vos meublés de tourisme :
- Renseignez-vous auprès de votre commune : Chaque ville ou commune dispose désormais de marges de manœuvre pour appliquer la loi Le Meur localement (quotas, limitation à 90 jours, etc.). Il est donc crucial de vous informer sur les décisions prises par votre mairie. Consultez le site internet de la mairie ou contactez le service du logement pour savoir si un quota de meublés a été fixé dans votre secteur, si la limite de 90 jours a été adoptée pour les résidences principales, ou si d’autres règles spécifiques sont en vigueur. Connaître précisément le règlement local vous permettra d’ajuster votre activité en conséquence et d’éviter les infractions involontaires. De plus, certaines grandes villes publient des guides ou FAQ pour les loueurs Airbnb – n’hésitez pas à les consulter.
- Effectuez sans tarder la déclaration en ligne de vos logements : La procédure d’enregistrement nationale des meublés de tourisme devrait être disponible prochainement (peut-être via la plateforme Service-Public.fr). Ne procrastinez pas – dès que le téléservice sera ouvert, connectez-vous pour déclarer chacun de vos meublés touristiques. Préparez à l’avance les documents requis (pièce d’identité, justificatif de domicile, avis d’impôt pour résidence principale, etc.) afin de compléter facilement votre dossier. Une fois le numéro d’enregistrement obtenu, mettez à jour vos annonces sur Airbnb/Booking et vos contrats de location en incluant ce numéro. Cela attestera de votre conformité et vous évitera l’amende de 10 000 € pour non-enregistrement. À noter que si vous gérez plusieurs biens, chaque logement doit avoir son propre numéro. Organisez-vous pour ne pas en oublier.
- Anticipez les travaux d’amélioration énergétique : Même si les échéances de 2028 ou 2034 paraissent lointaines, il est judicieux de planifier dès maintenant la mise aux normes énergétiques de vos logements. Faites réaliser un diagnostic de performance énergétique pour chaque bien que vous louez en saisonnier, si ce n’est pas déjà fait. En fonction du classement (A à G) et des recommandations fournies, établissez un plan de travaux sur les prochaines années : isolation thermique (murs, toiture, plancher), changement de fenêtres en double vitrage, installation d’un chauffage plus efficace ou d’une pompe à chaleur, etc. Vous pouvez échelonner ces rénovations pour étaler le budget, mais assurez-vous qu’avant 2034 vos logements atteindront au moins la classe D. Profitez des aides financières disponibles (MaPrimeRénov’, éco-PTZ, certificats d’économie d’énergie) pour alléger le coût des travaux. Non seulement vous éviterez l’interdiction de louer, mais un logement mieux noté se louera souvent plus facilement et à un meilleur tarif, ce qui peut compenser l’investissement.
- Adaptez votre stratégie fiscale : Avec la baisse des abattements, il peut être utile de revoir la fiscalité de vos locations meublées. Comparez le régime micro-BIC (simple avec abattement) avec le régime réel (déclaration des recettes et charges réelles) pour déterminer lequel est le plus avantageux dans votre situation. Si vous avez des charges importantes (intérêts d’emprunt, gros travaux de rénovation énergétique, frais de gestion…), le régime réel pourrait permettre de réduire votre bénéfice taxable plus efficacement que le micro-BIC désormais moins généreux. N’hésitez pas à consulter un expert-comptable ou un conseiller fiscal pour optimiser la gestion fiscale de vos locations saisonnières post-loi Le Meur. Par ailleurs, songez à la classement touristique de vos meublés : un logement classé « meublé de tourisme » bénéficie de l’abattement de 50 % au lieu de 30 %, ce qui reste un avantage non négligeable. Faire classer votre logement par un organisme agréé peut donc améliorer votre fiscalité tout en rassurant les voyageurs sur la qualité du bien.
- Respectez scrupuleusement la réglementation pour éviter les sanctions : Cela peut sembler évident, mais avec le durcissement des contrôles, la tolérance sera faible en cas d’écart. Vérifiez que vous avez toutes les autorisations nécessaires (surtout pour les résidences secondaires en ville : autorisation de changement d’usage, numéro d’enregistrement, etc.). Ne dépassez pas la durée maximum de location si une limite locale existe (utilisez les outils fournis par les plateformes pour suivre le cumul de nuits louées et bloquez les réservations au-delà du seuil). Ne trichez pas sur la déclaration en essayant de faire passer une résidence secondaire pour une résidence principale – les documents demandés (avis d’imposition) rendront la fraude difficile et très risquée (20 000 € d’amende en cas de fausse déclarationservice-public.fr). Si vous déléguez la gestion à une conciergerie, assurez-vous qu’elle est bien au fait des nouvelles règles (car elle aussi pourrait être tenue responsable dans certains cas). En un mot, jouez la carte de la conformité : c’est le meilleur moyen d’exercer votre activité sereinement sur le long terme.
- Communiquez avec vos voisins et votre syndic : Pour les biens en copropriété, informez systématiquement le syndic de votre activité (comme le requiert la loi) et éventuellement discutez-en avec les copropriétaires. Montrez que vous faites attention à ne pas gêner la vie de l’immeuble (bruit, sécurité) et que vous prenez la chose au sérieux. Parfois, quelques gestes (par exemple, un petit mot de courtoisie aux voisins avec vos coordonnées en cas de problème, ou le choix de locataires respectueux) peuvent faire la différence et éviter qu’une décision d’interdiction soit prise en assemblée générale. La loi Le Meur donne des outils aux copropriétés pour interdire les meublés touristiques137notaires.com, mais toutes ne choisiront pas de le faire si le climat reste bon. En somme, soignez vos relations de voisinage pour ne pas subir de restrictions additionnelles.
Conclusion
En synthèse, la loi Le Meur vient profondément remodeler le paysage des locations saisonnières en France. Pensée pour lutter contre les abus et les effets néfastes d’une multiplication incontrôlée des meublés touristiques, elle impose aux propriétaires un ensemble de nouvelles règles – qu’il s’agisse de déclarations administratives, de limites de durée, de performance énergétique ou de contraintes fiscales. Pour les propriétaires de locations saisonnières, le mot d’ordre est à l’adaptation : il va falloir se conformer à ces obligations sous peine de sanctions, et repenser la gestion de son bien en intégrant ces nouveaux paramètres. Si ces changements peuvent sembler lourds à court terme, ils visent à préserver l’équilibre du marché du logement en zones tendues, à favoriser le retour de logements vers la location longue durée et à améliorer la qualité des hébergements touristiques (logements plus économes en énergie, cadre légal clair).
Quel avenir pour les locations saisonnières après la loi Le Meur ? Il est probable que le secteur gagne en maturité et en professionnalisation. Les propriétaires sérieux, respectueux des règles, continueront de tirer profit de la location touristique, d’autant que la demande des voyageurs reste forte pour des hébergements chez l’habitant. En revanche, les propriétaires purement opportunistes pourraient revoir leur stratégie si la rentabilité diminue ou si les démarches deviennent trop contraignantes. On peut s’attendre à ce que, dans les zones les plus touristiques (littoral, grandes villes), le nombre d’annonces Airbnb se stabilise ou baisse légèrement, au bénéfice peut-être du marché locatif résidentiel. Les collectivités locales, de leur côté, auront un rôle déterminant dans l’application de la loi : c’est par leur vigilance et leurs arrêtés (quotas, contrôles de DPE, etc.) que l’impact se fera réellement sentir.
En définitive, décrypter la loi Le Meur était indispensable pour tout propriétaire dans la location saisonnière. En comprenant bien les enjeux de ce texte pour les locations touristiques, chacun peut faire les choix adéquats : se mettre en conformité, ajuster son activité, ou envisager d’autres modes de location plus classiques. Cette loi marque sans doute un tournant dans le secteur des meublés de tourisme, avec une recherche de plus d’équilibre entre l’attractivité de l’économie du partage et le droit au logement des habitants permanents. Il appartient désormais à chaque acteur de s’y adapter pour que la location saisonnière conserve sa place comme offre complémentaire, dans le respect des nouvelles règles du jeu.
Sources officielles : Service-Public.fr – « Locations touristiques : de nouvelles règles en 2025 » service-public.fr;
Vie-publique.fr – Dossier loi n°2024-1039 du 19/11/2024 economie.gouv.fr;
Legifrance – Loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 (JO du 20/11/2024) service-public.fr;
Anil.org – Analyse juridique n°2024-25 (déc. 2024) anil.org.
🗣️ Mon engagement pour une régulation équilibrée à Lourmarin
En tant que professionnel de la conciergerie spécialisée dans les locations saisonnières et les petits établissements para-hôteliers, je suis convaincu que cette réglementation était nécessaire pour rétablir un équilibre sur le marché locatif, notamment dans les zones à forte tension. Bien menée, la location touristique reste une formidable opportunité, que ce soit pour des propriétaires qui louent occasionnellement une dépendance sur leur propriété ou pour ceux qui souhaitent couvrir une partie des charges de leur résidence secondaire.
C’est dans cet esprit que, en tant que conseiller municipal à Lourmarin, j’ai souhaité m’impliquer directement dans les discussions locales. J’ai échangé avec plusieurs collectivités en France pour mieux comprendre leurs enjeux et contribuer aux réflexions sur la régulation des meublés touristiques. À Lourmarin, aux côtés du maire Jean-Pierre Pettavino et de Joël Raymond, adjoint, j’ai eu l’opportunité d’apporter mon expertise pour aider à structurer un cadre réglementaire adapté aux spécificités locales. Ce travail a abouti à l’adoption, lors du conseil municipal du 23 octobre 2023, du premier règlement sur les meublés de tourisme dans le département de Vaucluse.
L’objectif était de trouver un équilibre juste et mesuré. Il ne s’agit pas de stopper la location saisonnière, mais de l’encadrer intelligemment afin qu’elle puisse coexister harmonieusement avec l’hôtellerie traditionnelle, sans déséquilibrer l’offre de logements pour les habitants. Cette réglementation permet aussi de préserver la possibilité, pour les propriétaires, d’obtenir un complément de revenu en louant leur bien dans un cadre clair et sécurisé.
À Lourmarin, cela s’est traduit par des mesures concrètes, comme la limitation du nombre total de meublés de tourisme à 140 sur la commune et l’instauration d’un minimum de deux nuits par réservation. Ce type de régulation vise à éviter une explosion incontrôlée des locations saisonnières, tout en assurant un meilleur équilibre entre tourisme et vie locale.
Cette initiative locale illustre qu’une régulation bien pensée, menée en concertation avec les acteurs concernés, peut être bénéfique pour tous : un tourisme durable et responsable, une offre de logements mieux préservée pour les résidents et une activité de location saisonnière encadrée, mais toujours accessible aux propriétaires.